Ce livre a été réalisé par l’École Nationale Supérieure de Géologie (ENSG) de Nancy à l’occasion de son centenaire (2008) qui coïncide, opportunément, avec l’Année Internationale de la Planète Terre. À l’exception de Jean Dercourt qui a rédigé la préface, les 18 auteurs sont tous des anciens de l’ENSG, à commencer par Jean-Paul Tisot, coordinateur.
Le livre comporte 9 chapitres dont 3 consacrés aux matières minérales et énergétiques, 3 à l’eau, l’aménagement et l’environnement et 3 à divers thèmes (géomodélisation, géologie extra-terrestre et variations climatiques). Les deux premiers chapitres consacrés aux matières minérales et aux matières énergétiques ont l’intérêt de présenter un court aperçu historique sur les découvertes et l’évolution des techniques, mais surtout de présenter un panorama des approches modernes sur les filières de prospection et de développement ; c’est assurément leur grand mérite. Alors, bien sûr, consacrer une page au commerce mondial des matières premières et à l’organisation de l’industrie correspondante peut laisser sur sa faim, alors que ce pourrait être un préalable à tout le reste vu le rôle des prix dans tout développement ou recul de l’industrie minière. De même, ne pas dire un mot sur les énergies renouvelables est un choix que l’on peut discuter dans une optique de développement durable, même si les géosciences ne sont présentes que dans certaines filières ; il est vrai que la question de la géothermie est évoquée dans le chapitre sur l’eau auquel on aurait pu renvoyer. Ou encore, ne pas évoquer les déchets nucléaires ou la génération 4 des réacteurs, que l’on soit ou non d’accord avec les stratégies correspondantes, est dommage. Il est vrai que le thème des déchets (dont nucléaires) est traité dans le chapitre consacré à l’environnement auquel on aurait pu renvoyer. Même en se tenant au volume du livre, qui était forcément très cadré, on devait pouvoir insérer les paragraphes et renvois correspondants afin de faciliter le cheminement du lecteur.
Nous rattachons ici le chapitre consacré aux minéraux naturels divisés et leurs applications qui aborde le sujet sous un double aspect : les utilisations et les propriétés concernées. Les utilisations, très brièvement évoquées vont de la récupération assistée du pétrole, au traitement des eaux et aux cosmétiques. Les propriétés évoquées rentrent dans le cadre du génie minéral, en particulier les propriétés de surface des minéraux et leurs interactions avec le milieu. Peut-être ce chapitre aurait-il pu être inséré dans le chapitre consacré aux ressources minérales, en organisant ce dernier autrement.
Le chapitre sur les grands ouvrages de génie civil met l’accent sur deux grands types d’ouvrages, les centrales nucléaires et les barrages et c’est l’occasion de passer en revue les problèmes posés, les phases de travail, et également de faire une intéressante revue des techniques constructives. Au chapitre de l’aménagement, on a choisi de privilégier les grands ouvrages, mais on ne construit pas une centrale nucléaire ou un barrage tous les matins, alors que, pour l’habitat, on construit en permanence. Évidemment, le métier est moins noble, encore que le milieu urbain soit délicat à traiter, mais de très nombreux géologues y travaillent. C’était aussi l’occasion de passer le message de la difficulté de faire accepter par les décideurs que les études préalables soient suffisantes avant tout démarrage de projet. De même, on aurait bien vu évoquer les tunnels, et aussi bien les grands tunnels ferroviaires (Tunnel sous la Manche ou Tunnel Lyon-Turin) que les tunnels plus modestes, souvent vieillissants et qui impliquent des études géologiques et géotechniques spécifiques. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un ouvrage anniversaire et qui a donc justifié de privilégier les grands objets ou les grands champs disciplinaires. D’ailleurs le chapitre commence par une photo du viaduc de Millau, belle réalisation s’il en est, mais dont on ne parle pas dans le texte.
Toutes proportions gardées, le chapitre sur l’eau nous semble un des plus équilibrés puisqu’on parle de quantité (cycle de l’eau et types de nappes) et de qualité des eaux, de réglementation, de surveillance, des différents acteurs et aussi des problèmes soulevés pour, à l’avenir, alimenter en eau la population mondiale, gérer la consommation, et trouver des compromis dans les différents usages (eau potable, agriculture, industrie) aux échelles locales et surtout régionales. On rappellera aussi que c’est dans ce chapitre qu’est évoquée la géothermie. Le couplet final sur le changement climatique est là pour rappeler que ce changement risque d’avoir des incidences fortes sur la répartition des ressources en eau et sur les climats régionaux.
Un bon équilibre a aussi été trouvé avec le chapitre sur l’environnement, l’occasion d’aborder le rôle des géosciences par différentes entrées : la gestion de l’espace et la maîtrise des risques, la nature des domaines concernés (déchets, sites pollués, milieu souterrain, littoral, stockage du gaz carbonique…), les approches des problèmes (diagnostic, prévention, protection, restauration), les acteurs du secteur (entreprises, métiers, marché). La conclusion prospective insiste de façon très opportune sur l’importance de la prévention : plutôt prévenir que guérir, selon la phrase bien connue.
La géomodélisation est maintenant d’usage courant dans toutes les évaluations de ressources et de réserves ou la présentation de la géologie en 3 D, mais c’est aussi un domaine avancé qui doit traiter de multiples paramètres et de leurs interactions et parvenir à des échelles de plus en plus fines. Rien de plus normal que d’y consacrer un chapitre, d’autant que l’équipe de recherche de Nancy est en pointe sur ce sujet depuis des années.
L’extra-terrestre, comme les dinosaures attire les foules, c’est bien connu. Cela dit, consacrer 24 pages à la géologie extra-terrestre, était-ce bien nécessaire, d’autant que tout l’ouvrage est focalisé sur la géologie dans ses applications alors que dans la diversité des sujets de recherche en géosciences, il en est de nombreux dont on peut dire qu’ils sont au service de l’homme. Choix de cadrage, choix de volume impose. Cela étant, on y parle abondamment des météorites, des recherches sur la Lune et sur Mars, pour terminer sur l’exploration de l’univers.
L’ouvrage se termine sur les variations climatiques du passé et de l’avenir, question d’actualité s’il en est. Avec raison, l’auteur met l’accent sur les changements du passé géologique et de la période récente de l’évolution humaine avant d’insister sur l’évolution depuis un siècle et la prévision du climat du futur.
À noter, en fin d’ouvrage sur page rétrospective sur l’ENSG, que certains trouveront assurément bien courte.
Quelles que soient les remarques que l’on peut formuler sur le choix des contenus et l’organisation de leur présentation, cet ouvrage anniversaire de l’ENSG est un bel ouvrage, bien illustré, très informatif sur de nombreux sujets. Il convient donc de saluer sa parution et d’en recommander la lecture à un large public.
La Rédaction