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Cet article est publié en complément de la notice nécrologique publiée dans Géochronique n°98 "Le temps", Juin 2006.

ANDRÉE LEFAVRAIS - RAYMOND 1921-2005

photo LefavraisAndrée nous a quittés le 16 octobre 2005 dans sa maison familiale de Beduer, tout près de Figeac, dans ce Quercy qu'elle aimait tant. Nous n'entendrons plus résonner ses exclamations préférées « pécaire, boudiou … », finies ces discussions passionnées sur le Trias ou le Lias qui nous ont occupé durant des soirées sur le terrain ou dans sa maison sur le Causse. Avec elle, s'en va toute une époque de passion pour le terrain et une longue amitié.

Il est difficile de résumer en quelques paragraphes cette longue histoire qu'a été sa vie et sa carrière durant près de 84 ans, c'est pourquoi nous avons fait appel à sa famille et à tous ceux qui l'ont connue.

Orpheline de père très jeune, Andrée fait de brillantes études secondaires et supérieures à Dijon, épaulée par sa mère et son oncle.

Elle soutient un DES sur la Côte bourguignonne, sous la houlette du Doyen Ciry. C'est dans l'euphorie de la recherche énergétique de l'après-guerre que Louis Guillaume, l'un des fondateurs du BRGG, qui avait eu pour maître Ernest Chaput, tout comme elle, lui demande un jour « voudriez-vous travailler avec moi, au nom de notre maître commun » ?

Elle sera accueillie au BRGG à l'automne 1944 et affectée au code minier. Elle devient donc parisienne par son travail et par son mariage, en épousant Pierre Lefavrais en décembre 1944. Nantie d'un ordre de mission barré des couleurs tricolores, souvent en compagnie de Marguerite Grangeon, la voilà sur les routes, voies ferrées, sondages pour récupérer les données géologiques indispensables à la connaissance du sous-sol français. Mireille et Fanchon ne vont pas tarder à pointer leur nez mais grâce à l'aide de sa mère, elle va pouvoir concilier vie professionnelle et familiale.

Elle va donc enchaîner les missions sur le terrain et en particulier le suivi des forages de Ratte et Vincelles dans le Jura (dont les résultats constitueront la base de sa thèse qu'elle soutiendra plus tard), levé des coupes géologiques des galeries EDF dans les Alpes et le Massif Central. C'est lors d'une de ces missions en 1949, qu'elle rechutera d'une tuberculose, contractée pendant la guerre de 1939-1945. Mais cela ne l'arrête pas.

C'est dans le Jura, où elle sera aidée par Georges Liennhardt et Jean Ricour dès les années 50, qu'elle va trouver sa vocation de spécialiste du Lias. Cette période constitue un virage décisif dans sa carrière. Elle va dater par l'étude des forages de Messia et Courlans, le charriage du Jura sur la Bresse. Elle devient la spécialiste du Tertiaire et du Jurassique de la région et à cette époque, l'auberge de Madame Millet la voit débarquer régulièrement avec ou sans enfants.

Elle soutiendra sa thèse sur le sujet en 1958 et passera du statut de géologue régionale à celui de géologue nationale. Dès lors, elle devient une référence internationale dans la connaissance du Lias et de ses ammonites. Ainsi, au Colloque sur le Lias à Chambéry en 1960, elle redéfinit les limites du Pliensbachien en Carixien et Domérien et présente une première synthèse du Lias du Bassin de Paris. En 1968 sera créé le Groupe Français d'Etude du Jurassique, auquel elle prendra part activement.

Lors de l'une des premières excursions de ce groupe, elle recevra les participants dans sa grange à Beduer autour d'une sangria qui est restée célèbre.

La bordure liasique du Massif central va ensuite l'occuper pour un temps. Elle va travailler en liaison avec la recherche minière, se liant d'amitié avec les géologues miniers tels Jean Lhégu (Morvan) et Philippe Launay (Quercy). Elle participera à la Synthèse du Bassin de Paris en 1980 puis à celle du Sud-Est de la France en 1984.

Ces travaux s'accompagneront durant les années 70 et le début des années 80 par une grande activité cartographique dans le cadre de la réalisation de la couverture à 1/50 000e sur le pourtour du Massif central. Elle sera aidée par son « géologue assistant-chauffeur ».

En effet, Andrée ne conduisait pas, ce qui aurait pu être un handicap sérieux pour une géologue mais avec Gérard Lablanche, une collaboration « forcée » va naître qui va se transformer au fil des kilomètres et des coupes en une solide amitié.

Ainsi défileront les cartes de Brive-la-Gaillarde, Juillac, Terrasson, Château-Chinon, Camarès, Cluny, Figeac, La Capelle-Marival, Chantonnay et Clamecy, cartes sur lesquelles elle collaborera avec des géologues qui deviendront aussi des amis, tels que Octave Horon, Robert Feys, Charles Greber ou Maurice Aubague.

Combien de souvenirs resurgissent de ces journées sur le terrain en particulier les pique-niques de midi avec grillades sur feu de bois, le tout accompagné d'un solide Cahors ou d'un rouge « Permien » et les soirées chez Madame Dumont à Meyssac où nous réinventions la géologie régionale jusqu'à une heure avancée.

De nombreuses publications ont couronné son activité scientifique, que ce soit sur la paléogéographie du Trias et du Lias (1976) ou sur la sédimentation liasique du Seuil Caussenard (1985).

Pendant toutes ces années, les passages par Beduer sont nombreux et la grange domerienne accueillera de nombreuses réunions scientifiques formelles ou amicales.

Cette carrière de scientifique accomplie, de géologue cartographe et de géologie appliquée sera couronnée le 27 novembre 1979 par les insignes de Chevalier dans l'Ordre du Mérite qui lui seront remis par Jean Goguel.

En 1980, l'heure de la retraite approchant, elle fera aménager et agrandir sa maison de Beduer pour y recevoir la famille, les amis, les géologues, les stagiaires, les occitans et elle militera dans tout ce qui touche à la géologie, la botanique, la préhistoire et l'écologie du Quercy.

Certains d'entre-nous se souviennent encore des retrouvailles dans sa maison pour l'anniversaire de ses 70 ans.

Nous suivions à distance son état de santé par des contacts téléphoniques et nous passions la voir le plus souvent possible mais nous sentions ses forces décliner, son appétit et son poids diminuant de mois en mois.

J'ai eu la chance de passer une soirée avec elle , un mois avant son décès. Le corps lui faisait défaut mais la mémoire fonctionnait toujours aussi bien. Nous avons passé un moment inoubliable à évoquer tous les bons souvenirs de tous ceux que nous avions connus et malheureusement aussi de tous ceux qui nous avaient quittés.

Elle s'est éteinte un mois plus tard, comme dit sa fille Mireille « face au noyer majestueux planté par Françoise sa mère et tout près de Hildoceras bifrons qui veillait sur la commode ».

Mais sa convivialité, sa curiosité scientifique, sa conscience professionnelle, son opiniâtreté sur le terrain malgré une santé fragile et son amitié sans faille resteront à jamais gravées dans nos cœurs.

Mais, laissons-lui le mot de la fin. Ce sont les conclusions qui ont suivi sa remise de médaille : «  … tel est le résumé de mes travaux ; je pense être restée fidèle à mon idéal : faire de la géologie mais non être chef ! j'espère que mes maîtres E. Chaput et L. Guillaume ainsi que mon père ne seraient pas mécontents de mon travail » .

Synthèse rédigée par Jean-Jacques Chateauneuf à partir de notes personnelles
et de textes envoyés par sa fille Mireille, G. Lienhardt, J. Ricour, G. Lablanche et S. Debrand-Passard.