Au XIXe siècle, le Corps des Mines avait joué un rôle fondamental dans le développement de la géologie et dans l’animation de la Société géologique de France. La géologie était en effet, dans les premières décennies du siècle, le domaine de prédilection de l’action scientifique des ingénieurs des mines. Par la suite, avec l’élargissement des responsabilités de l’Administration chargée des mines, avec le développement économique du pays, et notamment de son industrie, l’activité des membres du Corps des mines se diversifia progressivement.
Au XXe siècle, cette diversification s’est poursuivie, mais la géologie et ses applications conservèrent une place déterminante dans les préoccupations d’une proportion importante des ingénieurs des mines, qui ont piloté et réalisé nombre des évolutions relatées par ailleurs dans le présent dossier.
Dans le sillage de leurs illustres prédécesseurs du siècle précédent, tout en professant dans les Écoles des mines (à Paris principalement), nombreux furent les ingénieurs des mines qui s’illustrèrent dans la recherche en sciences de la Terre. Leur apport original fut de mettre leur solide formation en mathématiques, physique, mécanique, etc. au service de la géologie en essayant de quantifier les phénomènes, mais sans jamais oublier, dans ce délicat échange et cette interaction entre disciplines de domaines connexes, l’absolue nécessité d’une observation scrupuleuse et méticuleuse des faits. Citons en particulier Louis de Launay (1860-1938), pour la notion de province métallogénique, Pierre Termier (1859-1930), la tectonique alpine, Georges Friedel (1865-1933) et François Grandjean (1882-1937), les cristaux liquides, André Demay (1890-1964), la microtectonique, Eugène Raguin (1900-2001), les roches plutoniques et les gîtes minéraux, Jean Goguel (1908-1987), étonnant par l’éventail de ses recherches, tectonique, géophysique, géothermie, etc., Hubert Pélissonnier (1926-1997), les gisements minéraux.
Le Service de la carte géologique fut dirigé par Eugène Raguin, puis par Jean Goguel, jusqu’à son rattachement au BRGM. Outre-mer, dans les Directions des mines et de la géologie, la plupart des directeurs, qui étaient membres du Corps des mines, étaient passionnés de géologie, et ces services devinrent des pépinières de géologues remarquables. En outre, un corps particulier, le « Corps des mines coloniales » fut créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
L’évolution des structures de l’État en matière d’infrastructure géologique, qui a abouti à la création du BRGM et du Service géologique national, fut réalisée progressivement sous l’impulsion d’ingénieurs du Corps : Edmond Friedel (1897-1972) et Raymond Fischesser (1911-1991), avec un pilotage par Claude Daunesse (1924-1969) à la tête de la Direction des mines.
Si l’on s’écarte maintenant des domaines d’activité dont les sciences de la Terre constituent la base même, on retrouve dans bien des secteurs les ingénieurs des mines aux postes clés de conception, animation et responsabilité. Il faudrait ici citer beaucoup de noms tout en soulignant que si ces réalisations ont besoin d’animateurs, elles ne peuvent qu’être le résultat d’un travail d’équipe.
Les bureaux miniers, en métropole et outre-mer, ont fonctionné sous la responsabilité d’ingénieurs des mines dès leur création voulue par des personnalités politiques, mais aussi par ces ingénieurs. Les sociétés minières françaises exploitant le charbon : Houillères et Charbonnages, les métaux non-ferreux : Penarroya, Pechiney et des filiales du BRGM, etc., et également, outre-mer : Miferma (Mines de fer de Mauritanie), Comilog (Compagnie minière de l’Ogooué), etc., ont toujours compté dans leur état-major des ingénieurs issus du Corps des mines. Cela demeure le cas pour les mines demeurant sous l’autorité de l’État français : Le Nickel, Cogema (Compagnie générale des Matières nucléaires) et dans l’industrie des carrières.
Enfin, il en fut de même pour plusieurs des grandes aventures industrielles du XXe siècle, dont le développement dépendait peu ou prou de l’existence et/ou de l’utilisation de ressources naturelles :
- atome et nucléaire : création et développement du CEA (Commissariat à l’Énergie atomique) et de la Cogema (Compagnie générale des matières nucléaires), devenue Areva au tournant du siècle ;
- pétrole : création de l’Institut français du Pétrole, de la Compagnie française des Pétroles (Total), du Bureau de Recherche de Pétrole (BRP), de la Régie autonome des Pétroles (RAP), de la Société nationale des Pétroles d’Aquitaine (SNPA), de l’Entreprise de Recherches et d’Activités pétrolières (ERAP), d’Elf, etc. ;
- développement des préoccupations d’environnement : Agences de bassin du BRGM et Institut national de l’Environnement industriel et des Risques (INERIS).
Enfin, de par leur formation, les ingénieurs des mines étaient bien préparés pour jouer un rôle important dans l’irruption des techniques de l’informatique et de la communication. À des postes de conception, et/ou de responsabilité, en s’appuyant sur des équipes qu’ils ont su rassembler et animer, et sans lesquelles rien n’aurait été possible, les membres du Corps des mines ont ainsi participé à la plupart des grandes aventures industrielles du XXe siècle.
C. BEAUMONT